I – Objet de l’appel à projets
L’Observatoire de l’Espace, le laboratoire culturel du Cnes, lance un appel à projets pour la création d’une œuvre dans le champ des arts visuels à partir d’un corpus d’archives audiovisuelles sur les activités spatiales françaises dans les années 1960 à 1990. Dans le cadre de son programme d’archéologie de l’Espace, il s’agit de revisiter ces archives en interrogeant la présence d’un peuple d’acteurs anonymes dont le rôle a été essentiel dans la réussite de l’aventure spatiale française. Ce projet de création se déroulera de novembre 2022 à février 2023 et débouchera sur la production d’une œuvre qui sera présentée lors d’une exposition au Cnes avant de rejoindre la collection d’art contemporain de l’Observatoire de l’Espace conservée aux Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse. L’objet de cet appel est de choisir l’artiste qui réalisera cette œuvre.
II – Le contexte de création
Le propre de la construction des grands récits est de retenir le nom des héros : des dizaines de milliers de personnes ont travaillé à envoyer des humains sur la Lune, et l’on se souvient de Neil Armstrong surtout, de Buzz Aldrin ensuite. Les amateurs de l’histoire spatiale sauront le nom du troisième, Michael Collins. Et le reste sera l’affaire des spécialistes. Les héros ont aujourd’hui changé de noms mais les grandes figures médiatiques demeurent. L’astronaute Thomas Pesquet s’inscrit dans cette lignée de figures tutélaires et les entrepreneurs Jeff Bezos et Elon Musk ont remplacé les ingénieurs comme Wernher Von Braun dans le développement des technologies spatiales.
En France, dans les années 1960-80, les grands noms de l’aventure spatiale sont : Diamant, Veronique, Symphonie, Ariane, Hammaguir… Ces projets techniques, fusées et satellites, et architecturaux, comme la base algérienne, façonnent l’histoire de l’aventure spatiale française. La foule d’acteurs qui s’activent pour mener à bien ces ambitieuses entreprises, demeure au contraire majoritairement inconnue. On pourrait désigner ces anonymes comme le peuple de l’Espace, un ensemble de héros du quotidien dont il faudrait individuellement faire le récit, afin de leur redonner existence et légitimité. L’enjeu, comme le note l’historienne Arlette Farge, est de s’insinuer dans les gestes et les intentions les plus subtiles des uns et des autres, de faire émerger ces « agissants » dont la présence, les gestes et les mots déroulent une histoire que personne n’a pris le temps de raconter. Pour cela, – et c’est à cette démarche qu’engage cet appel – il est nécessaire d’ouvrir les archives audiovisuelles de l’Espace et de les regarder de côté, sur les lisières, de scruter celui qui programme un ordinateur ou déroule un câble sur le terrain, celui qui regarde les autres, celui qui est de dos, celui de l’arrière-plan, ceux qui étaient présents, certainement essentiels, mais qui ont disparu du récit officiel. C’est le vertige qui se manifeste peu à peu en visionnant les archives visuelles sur l’Espace : aucun des visages de ceux qui viennent illustrer la mise en œuvre des activités spatiales décrites n’est connu !
Ainsi, l’Espace peut être considéré comme un modèle où faits et récits forment la manifestation mouvante d’une expérience permanente. L’étude artistique ouvre la voie à de nouvelles esthétiques, plus objectives, plus critiques, plus diversifiées et parfois engagées. Elle exploite l’implicite et le suggéré pour leur donner une existence que leur a jusqu’ici refusé le récit traditionnel. C’est dans cette perspective que doit s’entendre cette création.
III – L’œuvre
En consultant avec acuité le corpus d’archives visuelles présenté en annexe, l’artiste est invité à élaborer une pièce qui se saisisse des processus d’effacement de ces agissants, et de la façon dont leur place, leurs actions à la fois minuscules et essentielles dans le développement de l’aventure spatiale française, peuvent être source de nouveaux récits artistiques. L’enjeu de la pièce est de déplacer l’angle d’observation communément adopté par les acteurs politiques, industriels, scientifiques, ou médiatiques car leurs visions réduisent l’aventure spatiale à des questions de primauté, d’exploit, ou de « fabrique de héros ».
Les archives audiovisuelles proposées sont un matériau de travail et ne présume en rien de la forme finale de l’œuvre qui peut être une installation, une série de photographies ou de dessins, etc. Loin de toute approche strictement documentaire, l’œuvre s’inscrira dans la démarche et l’écriture plastique de l’artiste. Elle proposera une vision singulière sur ces agissants qui constituent le peuple de l’Espace et des partis pris esthétiques forts en continuité avec l’ensemble du travail de l’artiste. Elle devra également être issue d’interactions qui mettront en regard les choix et positions de l’artiste avec l’approche culturelle de l’Observatoire de l’Espace du Cnes.
L’artiste est libre d’alimenter sa création de ses propres sources (films, documents, sons, images) qui doivent impérativement être libres de droits et garantir l’Observatoire de l’Espace contre tout recours juridique d’un tiers. Si l’artiste travaille dans une autre langue que le français, il devra veiller à la compréhension de l’œuvre et effectuer les traductions nécessaires.
IV – L’Observatoire de l’Espace
Depuis 2000, l’Observatoire de l’Espace, le laboratoire culturel du Cnes (Centre national d’études spatiales), développe une approche originale pour faire émerger savoirs et créations contemporaines autour de l’univers spatial. Artistes, auteurs et chercheurs sont invités à investir ce champ pour mettre en évidence les enjeux liés à l’imaginaire spatial. À travers des programmes de recherche, publications, résidences, appels à projets, ou encore grâce à différentes manifestations artistiques ouvertes au public, l’Observatoire de l’Espace partage les nouveaux récits de l’Espace qui en résultent. Depuis 2014, la collection d’art contemporain qu’il constitue réunit une trentaine d’œuvres contemporaines (films, installations, photographies ou encore pièces picturales), et questionne par ces regards multiples nos représentations de l’Espace. Les Abattoirs, Musée – FRAC Occitanie Toulouse accueille la collection depuis 2017, et la fait vivre en assurant également la diffusion des pièces.
V – Moyens de documentation et de production
L’Observatoire de l’Espace du Cnes accompagnera l’artiste retenu dans ses interrogations scientifiques et culturelles, par le biais de documentation complémentaire et, le cas échéant, de rencontres avec des acteurs du domaine spatial. Tous les déplacements seront aux frais de l’artiste.
VI – Financement et acquisition de l’œuvre
La phase de sélection ne fait l’objet d’aucune rémunération. Un budget de 3 500 € sera attribué à l’artiste sélectionné. 2 000 € seront versés pour la production de l’œuvre et 1 500 € pour l’acquisition de l’œuvre produite, la cession des droits patrimoniaux se faisant quant à elle à titre gracieux. Cette dernière somme sera attribuée, à la livraison de l’œuvre, après acceptation définitive du projet par l’Observatoire de l’Espace du Cnes.
L’œuvre créée dans ce cadre est propriété de l’Observatoire de l’Espace du Cnes. Elle est conservée par ses soins au sein de sa collection en dépôt aux Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse. Les caractéristiques de l’œuvre finale seront présentées dans une fiche technique annexée a posteriori au contrat liant l’artiste et l’Observatoire de l’Espace du Cnes.
Dans le cas où cette phase de travail n’aboutirait pas à des résultats significatifs dans les temps impartis, l’Observatoire de l’Espace du Cnes se réserve le droit de ne pas exposer l’œuvre et de ne pas l’inclure au sein de sa collection d’art contemporain.
VII – Propriété et précautions d’usages
Toute proposition à visée raciste ou pornographique, indépendamment de tout jugement sur la qualité de l’œuvre, ne pourra être acceptée en l’état. Cette exigence peut conduire à ce que la pièce proposée soit susceptible d’être refusée ou de provoquer des demandes de modifications.
L’artiste sélectionné s’engage à soumettre une œuvre libre de droits non-commerciaux (vidéo, son et image) qui respecte les conditions juridiques et financières prévues ci-dessus. Il s’engage également à respecter le calendrier prévisionnel établi par l’Observatoire de l’Espace du Cnes présenté ci-dessous.
VIII – Calendrier prévisionnel
- 24 octobre 2022 : date limite de réception des dossiers.
- Novembre 2022 : sélection de l’artiste lauréat par une commission artistique.
- De décembre 2022 à mars 2023 : phase de création-production centrée sur le travail et les besoins de l’artiste.
- Le 1er mars 2023 au plus tard : l’artiste s’engage à livrer son œuvre à l’Observatoire de l’Espace.
- Mars 2023 : présentation de l’œuvre lors d’une exposition au siège du Cnes à Paris.
IX – Dossier de candidature
A/ Composition du dossier
Pour être recevable, le dossier de candidature, rédigé en langue française, sera obligatoirement constitué des pièces suivantes, datées et signées par le candidat :
1/ Le formulaire de candidature complété et signé avec le résumé de la proposition de l’artiste.
2/ Une note d’intention (2 pages A4 maximum - caractère 10 pts minimum).
Dans la note d’intention, l’artiste doit présenter un projet de création qui témoigne d’un parti pris artistique fort et dont les ambitions esthétiques et intellectuelles se nourrissent du panorama développé en annexe.
Il doit également préciser comment cette nouvelle œuvre entre en résonance avec ses propres interrogations, dans le prolongement de sa recherche personnelle et en cohérence avec le projet. Il s’agit de signifier l’identité du travail afin que l’Observatoire de l’Espace puisse évaluer la direction du projet souhaitée par l’artiste.
3/ Un dossier artistique présentant la démarche artistique générale de l’artiste ainsi qu’une sélection d’œuvres avec un curriculum vitae actualisé. Ces références seront accompagnées d’une légende de quelques lignes précisant le type d’œuvre, leur coût, la date de réalisation et le destinataire public ou privé (inclure tout visuel, lien vidéo ou sonore etc. permettant une meilleure compréhension de la démarche artistique et des projets antérieurs).
B/ Admissibilité
L’appel à projets est ouvert à tous les artistes professionnels de nationalité française ou étrangère. Les artistes peuvent candidater seul ou en collectif. Les textes et échanges avec l’Observatoire de l’Espace du Cnes se feront en français. La maitrise de la langue française est de ce fait impérative.
C/ Commission de choix
Une commission artistique, associant le commanditaire ainsi qu’un expert extérieur issu du domaine culturel, se réunira dans un délai d’un mois maximum après la date limite du dépôt des dossiers. Les artistes seront contactés individuellement par mail dans un délai d’une semaine après la tenue de la commission.
D/ Critères de choix
Après examen des dossiers de candidatures, la commission choisira l’artiste selon les critères suivants :
- Originalité et qualité du projet proposé : proposition et écriture plastique, innovation
- Pertinence de la proposition artistique au regard du corpus documentaire
- Intérêt pour le sujet qui doit apparaître au sein même de la proposition artistique
- Capacité de mise en œuvre de la proposition formulée
- Références professionnelles
DATE LIMITE DE RÉCEPTION DES DOSSIERS : 24 octobre 2022 (Voir formulaire de candidature)
Pour toute information complémentaire : observatoire.espace@cnes.fr ou perrinegamotcnes@gmail.com