posté le 22.04.21
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review : Vu en avril 2021, par Soizic Pineau
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Vu en avril 2021, par Soizic Pineau

Avril s’est ouvert sur son lot d’annonces peu encourageantes, avec en ligne de mire une promesse à laquelle on ose à peine croire, la réouverture des musées mi-mai. Pour patienter, on vous emmène à travers ce qu’il faut voir et revoir dans ce moment suspendu.

Yassemeqk, Peristoire, 2021 - Clara Cimelli, Panique au château fromage, 2020.  Images ©Théo Eschenauer
Yassemeqk, Peristoire, 2021 - Clara Cimelli, Panique au château fromage, 2020. Images ©Théo Eschenauer

Chez Sissi Club par exemple, on ne se laisse pas abattre et on parle teuf, avec un grand banquet carnavalesque qui dégouline signé par le collectif Yassemeqk. L’ambiance est au trop plein de fête et à la gueule de bois, avec un côté gargantuesque, presque grotesque. En clair, la bamboche n’est pas finie pour tout le monde.

Avec The way to the drunkard, Anne Vimeux et Elise Poitevin réunissent pour la première fois onze artistes, un défi pour la galerie qui n’en reçoit rarement plus de quatre d’un coup.

Les dessins naïfs et titubants de Clara Cimelli côtoient les peintures miniatures de Sophie Varin. L’exposition s’encombre également de son lot de textiles, qu’il faut parfois contourner pour passer d’un espace à l’autre. Ils sont sculptés comme chez Clara Buffay, Sarah Netter et Léo Dupré, peints ou augmentés, à l’image des gants de Chloé Sapelkine.

Ce côté gargantuesque et grotesque, on le retrouve à quelques arrêts de tramway, dans le travail de Pierre Daniel présenté à Vidéochroniques. Aux côtés de trois autres artistes, tous bruxellois, Pierre Daniel interroge le passé colonial de la Belgique à grands coups de pistolet à colle : une fève de cacao aux couleurs criardes, ou une moule géante flanquée de la tête de Léopold II surplombe l’espace.

La galerie située au cœur du Panier met à l’honneur la capitale Belge, et célèbre ainsi les liens entre Bruxelles et Marseille : deux villes aux loyers peu chers, à l’émulation artistique et au tissu associatif dense, paradis des jeunes créatifs fauchés. L’exposition Magnetic North, tout comme The Way to the Drunkard, sont visibles sur rendez-vous.

Baya, Paysage aux maisons et collines, gouache sur papier, 1966, FNAC 29677, Centre national des arts plastiques, dépôt au Musée du Quai Branly. Crédit photo : Othmane Mahieddine
Baya, Paysage aux maisons et collines, gouache sur papier, 1966, FNAC 29677, Centre national des arts plastiques, dépôt au Musée du Quai Branly. Crédit photo : Othmane Mahieddine

Chez Triangle-Astérides, l’annonce des nouvelles mesures a fait l’effet d’une douche froide : voilà près de trois ans que l’équipe accompagne la commissaire Natasha Marie Llorens sur l’exposition En attendant Omar Gatlato, qui s’étend sur deux étages de La Friche Belle de Mai et réunit près d’une trentaine d’artistes algériens, ou issus de la diaspora.

Avec brio, la commissaire fait dialoguer différentes générations d’artistes, les toiles de la mythique Baya raisonnent ainsi avec les vidéos de Lydia Ourahmane ou Sara Sadik. “Nous sommes quelques-uns à être réticents aux expositions thématiques, car on a toujours peur d’être mis dans un carcan, une case, pour répondre à une vision qu’on se fait de nous. Mais là ça n’est pas du tout le cas : Natasha a construit l’exposition à partir de beaucoup d’échanges”, témoigne l’artiste Massinissa Selmani. Une exposition majeure, à voir et bientôt à écouter sur le site de Triangle-Astérides.

L’atelier de Mégane Brauer pendant sa résidence Triangle Astérides à La Friche Belle de Mai
L’atelier de Mégane Brauer pendant sa résidence Triangle Astérides à La Friche Belle de Mai

À la Friche toujours, Mégane Brauer remballe ses affaires et s’apprête à quitter l’atelier de Triangle-Astérides qu’elle occupe depuis six mois.

Une résidence riche d’expérimentations, en témoignent des sculptures en spaghetti du Lidl, et une installation toute en bouteilles d’huile de tournesol. “Je n’avais pas assez d’argent pour acheter les bouteilles d’huile, alors j’ai peint des bouteilles d’eau en jaune” précise Mégane. La précarité et la galère comme toile de fond dans son travail, jusque dans le geste de traîner les packs d’eau du supermarché au deuxième étage de la Friche. Et la suite ? “Je croise les doigts pour décrocher un des ateliers de la ville”, nous aussi.

Au Cirva, l’expérimentation est permanente, c’est d’ailleurs une des raisons d’être de ce centre de recherche dédié au travail du verre et à l’art. On y croise le duo de designers Francisco William et Arthur Ribière, en plein test pour obtenir l’opacité parfaite de leur futur luminaire, développé avec le Mobilier National : “au début les techniciens ont essayé de souffler une plaque, mais là on fait des essais de sérigraphie sur le verre. C’est complètement expérimental, pour eux comme pour nous !

Un peu plus loin, on découvre une approche poétique du calendrier, proposée par l’artiste Christodoulos Panayiotou qui fait partie des résidents du Cirva. Douze vases, un par mois, tous abordant différentes couleurs, formes et transparences, à la manière d’un tableau que viendront compléter une fleur par jour. “Mais sur celui-là par exemple, les finitions ne sont pas encore au point, nous allons le refaire” précise Stanislas Colodiet, directeur de la structure. Car justement, l’idée ici, c’est de tester, d’essayer, d’inventer. Le Cirva n’a d’ailleurs rien d’un lieu de monstration, et est difficilement accessible en dehors des journées du patrimoine. Comme lot de consolation, l’exposition “Souffles – 10 designers. 10 ans. 10 vases” est attendue au Château Borely à compter du mois prochain.

Salon du Pavillon Southway par Emmanuelle Luciani © Herve Hote
Salon du Pavillon Southway par Emmanuelle Luciani © Herve Hote

Le temps s’est figé au Pavillon Southway. On entre ici comme dans un conte, mais dans lequel les bonnes fées auraient pris de l’acide. Le mobilier se déforme, des fresques aux couleurs douces grimpent au plafond, et on reste émerveillé devant le moindre objet.

À l’étage, l’artiste Andrew Humke est en plein travail : le peintre américain a posé ses valises au 433 Boulevard Michelet, et après avoir tapissé de motifs ornementaux la moitié des pièces de la villa, il s’applique à produire des toiles pour la prochaine exposition prévue pour cet été.

Emmanuelle Luciani, à l’origine du projet, nous guide et nous parle de sa façon de faire du commissariat, très proche de la collaboration : “quand je sens que j’ai envie de creuser un sujet, je travaille d’abord sur un séminaire pour défricher, puis je passe la balle aux artistes avec lesquels on collabore”. Cet écosystème propre au lieu y crée un véritable groupe d’émulation.

Sa dernière obsession en date, le néo gothique, exploré avec les artistes Bella Hunt & Ddc et Jenna Käes dans l’exposition Gothic Revival— décryptage dans la rubrique view du mois dernier. Bientôt, les artistes invités à séjourner au Pavillon pourront travailler de Buropolis, où Studio Southway s’apprête à ouvrir un atelier.

Mais pour le moment, les neuf étages de cet immeuble, situé à quelques minutes de la station Marguerite Dromel, sont encore majoritairement en travaux. Yes We Camp a 18 mois pour investir ces 16.000m2, et a choisi d’inclure au projet pas moins de 120 artistes, en leur proposant de louer des espaces entre 3€ et 10€ du m2.

La structure compte favoriser les outils communs, l’intelligence collective, et faire naître un véritable élan créatif. “On va voir ce que ça va donner, on vise la reconnaissance institutionnelle comme celle du public. Et si ça fonctionne, on espère continuer des discussions avec la mairie, déjà impliquée dans le projet, et pourquoi pas une délocalisation ailleurs” explique Raphaël Haziot, coordinateur éditorial et artistique du lieu.

Les artistes sont partie prenante du projet, participant autant à son écriture qu’aux travaux de rénovation : un espace à s’approprier pleinement, mais pour à peine plus d’un an. “C’est sûr que ça fait court”, pointe Sarah Netter, qui s’est engagée dans le lieu avec le collectif CROCS. “On a hâte d’investir l’espace et de rencontrer les habitant·e·s du quartier. Bien qu’étant dans une situation précaire en tant qu’artistes, notre venue dans cet endroit de la ville reste questionnable, on espère ouvrir le dialogue à ce propos”.

Avec quatres espaces d’exposition et une immense cour extérieure, le projet fait autant office de fourmilière que de laboratoire. Curieux comme pressés de voir le résultat, on attend l’ouverture en juin. Comme celle des musées ?

Par Soizic Pineau

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Portrait de Soizic Pineau ©Jimmy Léveillé

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